Note d’intention scénographe :
Les chaises, un propos sans âge.
Eugène Ionesco né en 1909 et traverse les années 1930 entre vingt et trente ans. Il évoque cette période restée dans sa mémoire comme un temps très heureux. Il a déjà quarante-trois ans lorsqu’il écrit Les Chaises et cette nostalgie des temps passés y imprime sa pâte. Le krach Boursier de 1929, l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la période incertaine d’un entre-deux guerres mais aussi une joie de vivre et une manière d’insouciance. La fin d’une classe, d’un monde, d’une certaine manière de vivre, d’une façon de voir la société avec des couches sociales si fortes qu’elles pourraient faire penser à des castes. Une sorte d’élégance voulue parfois et parfois innée. Une sorte de parfum. La notion de nostalgie est une notion commune à toutes les époques. Bien entendu elle est différente en fonction des périodes. On remarque pourtant que la nostalgie se place pratiquement toujours dans le cadre du souvenir d’une époque radieuse, lointaine, finie mais encore accessible. Cela sera le souvenir des générations qui nous ont précédés immédiatement plus que de celles qui représentent des fondements plus éloignés. La grand-mère qui nous berçait dans l’enfance nous parlait de sa jeunesse, de ce temps inconnu mais si familier.
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Les deux personnages des chaises sont toujours amoureux comme au premier jour. Ce sont encore des jeunes mariés d’y il a plus de soixante-quinze ans. Et le temps a passé. Mais pas vraiment. Leur admiration amoureuse ou amour admiratif n’a jamais cessé. Mais le temps a passé. Partant de ce principe ils vivent depuis la nuit des temps dans ce logis dont il est le maréchal. Et ce logis a vieilli aussi. Les belles tapisseries sont délabrées, les rideaux sont en loques, les deux amoureux sont toujours dans leurs atours de mariages qu’ils ont gardé le lendemain et le lendemain et toujours et encore maintenant. Ils sont beaux comme à l’époque mais l’époque n’est plus. Le décor est une succession de voiles en lambeaux et de couches en miettes. On y passe aisément à travers. C’est une fumée. Les deux personnages sont toujours en habit de mariages. Ionesco s’est marié en 1936. Front Populaire, congés payés, Léon Blum, Jean Zay . . . Les années 30 ont dans les esprits d’aujourd’hui une sorte de parfum de poudre de riz, c’est Arsène lupin, Hercule Poirot et Gatsby le Magnifique qui passent. Et pourtant le propos reste invariablement actuel. Il nous suffit de regarder autour de nous. « La nostalgie : la fiancé des bons souvenirs qu’on éclaire à la bougie. » (Grand Corps Malade)
![]() | Philippe Varache. »TABARMUKK » |